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E1 - La probité et l'inconduite scientifiques

Sommaire

1.

Introduction

2.

La négligence

3.

Le non-respect des droits individuels

4.

Le conflit d'intérêts

5.

La fraude scientifique

6.

La prévention et la sanction de l'inconduite scientifique

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1.

Introduction

La probité scientifique désigne l'attitude qui consiste à respecter l'éthique scientifique, c'est-à-dire les valeurs, usages, obligations et règles, tacites ou formelles, reconnus par la communauté scientifique ou par la société plus large comme devant régir le travail et les comportement individuels des scientifiques.

Un comportement ou un geste qui va à l'encontre de l'éthique est qualifié d'inconduite scientifique.

L'inconduite a non seulement pour conséquence de nuire au fonctionnement général de la communauté scientifique, mais elle peut dans certains cas brimer les droits fondamentaux d'individus, leur causant parfois des torts irréparables.

Selon la nature et la gravité des gestes posés, on distingue diverses catégories d'inconduite scientifique : la négligence, le non-respect des droits individuels, le conflit d'intérêts et la fraude scientifique.

  

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2.

La négligence

La notion de négligence recouvre une série de comportements qui, même s'il sont généralement effectués moins par malveillance que par insouciance, peuvent nuire aux autres membres de la communauté scientifique, en leur faisant perdre un temps précieux à tenter de répéter en vain des expériences inutiles, ou encore en les entraînant dans des pistes de recherche sans avenir.

Cette négligence peut prendre différentes formes; voici quelques exemples.

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Un manque d'esprit critique face à ses propres résultats, que l'on tient pour valables sans contrevérification sérieuse.

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Le laxisme dans la gestion des données, soit à l'étape de la prise de données, dont on ne contrôle pas suffisamment les conditions, soit à celle de la conservation des données, où l'on ne s'assure pas du maintien de leur intégrité.

-

Le manque de rigueur dans le choix des méthodes ou des outils d'analyse, ou encore dans l'interprétation des résultats qu'ils fournissent.

-

La non-divulgation, dans les documents qui rendent compte des travaux de recherche, d'informations utiles, voire essentielles au succès d'une expérimentation.

  

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3.

Le non-respect des droits individuels

On parle ici de comportements qui sont de nature à brimer les droits d'autres personnes à l'intégrité ou à l'équité, ou encore à nuire à leurs intérêts professionnels ou financiers. Voici quelques exemples.

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La non-mention, tant oralement que dans des ouvrages publiés, de ses sources d'inspiration ou de la contribution de collaborateurs.

La section Remerciements des articles et la dernière page des diaporamas sont des endroits privilégiés pour mentionner les collaborateurs dont la contribution ne confère pas le statut de coauteur.

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L'omission, ou son contraire, l'attribution injustifiée de crédit, notamment par les pratiques de cosignature.

Des organisations disciplinaires, telles l'American Psychological Association (APA, 2010b) et l'International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE, 2010), de même que la plupart des politiques de propriété intellectuelle ou d'intégrité en recherche des universités, proposent des critères en matière de cosignature (voir Couture, Dubé et Malissard, 2010, chap. 9).

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Souvent en lien avec les pratiques de cosignature, l'accaparement injustifié et (ou) l'exclusion de la propriété intellectuelle et des retombées financières qui en découlent.

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Le non-respect de la confidentialité, en rapport avec des informations obtenues par sa participation à des processus qui exigent cette confidentialité : évaluation de travaux, de demandes de financement, etc.

-

Le non-respect des règles s'appliquant à la recherche avec des humains (voir le texte E2),

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La violation du droit d'auteur (voir le texte D2), qui est un geste illégal.

  

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4.

Le conflit d'intérêts

Le conflit d'intérêts existe quand une personne à qui l'on a confié un rôle dans une décision, en s'attendant à ce que celle-ci soit prise dans l'intérêt collectif, a des intérêts personnels susceptibles de l'amener à poser des jugements allant à l'encontre de l'intérêt collectif. Il survient aussi quand cette personne tente de profiter de ce rôle pour bénéficier de gains ou d'avantages personnels.

Le conflit d'intérêts n'est pas une inconduite en soi; il le devient lorsque la personne donne effectivement priorité à ses intérêts.

Il revient d'abord à la personne elle-même d'évaluer si elle a des intérêts conflictuels et, dans l'affirmative, si elle peut en minimiser l'influence suffisamment pour pouvoir exercer son rôle de manière honnête et équitable. Quoi qu'il en soit, elle doit divulguer ses intérêts conflictuels aux autres participants et(ou) à ceux qui l'ont nommé. Négliger de.le faire constitue également une inconduite.

Pour une décision prise en groupe, le groupe devra aussi se demander s'il est à l'aise avec la présence de la personne qui divulgue ainsi ses intérêts conflictuels.

Comme il est très difficile, voire impossible de démontrer que quelqu'un aurait effectivement faussé le processus de décision en faisant primer ses intérêts personnels, il est essentiel de ne pas donner prise à de tels soupçons pour des décisions lourdes de conséquences, par exemple quand la carrière de quelqu'un peut être affectée, ou que d'importantes sommes sont en jeu. Dans ces situations, il peut être sage que la personne se retire du processus de décision, ou que le groupe lui demande de le faire, peu importe la conviction que l'on a de sa capacité à exercer son rôle de manière équitable.

Voici quelques situations où peuvent surgir des conflits d'intérêts.

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Dans un processus de décision relative à un individu, à son travail ou à ses études, on pourrait se laisser influencer par le souci de maintenir de bonnes relations (avec cet individu, ou avec les collègues), par des liens affectifs ou familiaux, ou encore dans l'espoir d'en tirer un avantage personnel (financier ou professionnel).

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Dans un processus de décision ayant des incidences importantes, financières ou autres, sur l'organisation, on pourrait favoriser les options qui nous avantagent sur le plan financier ou professionnel.

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Dans l'organisation de son travail, on pourrait choisir ses priorités en fonction de ses propres objectifs plutôt que des objectifs que l'organisation qui nous emploie nous a confiés ou s'attend de nous voir respecter.

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À la suite d'une participation à un processus d'évaluation (demande de financement, de bourse, etc.), on pourrait utiliser à ses fins personnelles l'information obtenue, par exemple une hypothèse ou une idée de projet, au lieu de contacter la ou les personnes qui ont rédigé la demande pour leur proposer une collaboration.

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Dans l'analyse et l'interprétation de résultats de recherche, on pourrait retenir des critères ou favoriser des conclusions qui satisfont les demandes ou les attentes soit des commanditaires qui l'ont soutenue, financièrement ou autrement, soit d'organisations ou mouvements dont on est membre où que l'on appuie.

  

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5.

La fraude scientifique

La fraude est la catégorie la plus grave d'inconduite scientifique. Elle fait intervenir des gestes ou des comportements carrément malhonnêtes, voire illégaux. Des exemples.

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Le « tripatouillage » de données, incluant la troncation, la falsification et la fabrication de données, pour améliorer les résultats d'une recherche.

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Le plagiat, c'est-à-dire la reproduction intégrale d'une œuvre d'un autre, ou d'extraits d'une œuvre, sans les présenter comme des citations avec, comme il se doit, guillemets et mention complète de la source.

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L'autoplagiat, c'est-à-dire la présentation du même texte ou de textes quasi-identiques en plusieurs lieux (par exemple dans des revues différentes) avec des titres pouvant être différents, sans que les diverses versions fassent référence les unes aux autres.

Ces gestes visent essentiellement à augmenter son nombre de publications, qui constitue un critère important, bien que parfois contesté, de notoriété dans le monde scientifique.

  

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6.

La prévention et la sanction de l'inconduite scientifique

Les organisations à caractère scientifique, notamment les universités et les centres de recherche, ont adopté des mesures visant à prévenir l'inconduite scientifique, à faire la lumière sur les soupçons ou allégations d'inconduite et à sanctionner les personnes qui s'en rendent coupables. On retrouve en général ces mesures dans les politiques institutionnelles en matière d'intégrité (voir, par exemple, celle de la Télé-université, 2007b).

Ces politiques, qui doivent être largement diffusées auprès des membres de l'établissement :

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indiquent clairement les gestes et les comportements qui sont jugés inacceptables;

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précisent les rôles et les responsabilités de chacun en matière d'éthique;

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décrivent en détails les procédures à suivre lorsque l'on constate ou soupçonne la présence d'une inconduite.

On y insiste en particulier sur l'importance de la divulgation, c'est-à-dire la communication aux responsables de l'établissement des informations concernant les situations où des questions d'éthique pourraient être en cause.

Ces procédures doivent impérativement protéger les personnes contre qui pèsent des soupçons d'inconduite, car même des accusations non fondées peuvent ruiner des réputations, voire des carrières. Elles doivent également protéger les personnes qui portent à l'attention des autorités des situations d'inconduite contre de possibles représailles; là aussi, des carrières ont été mises en péril, même quand les allégations se révélaient fondées.

En terminant, précisons qu'il est très difficile d'évaluer la prévalence de la fraude scientifique, et encore moins de l'inconduite scientifique. Tout ce qu'on sait, c'est qu'un certain nombre de fraudes massives impliquant des scientifiques parfois renommés ont été mises au jour, et que, selon certaines études, la plupart des scientifiques auraient été témoins d'inconduites dans leur entourage (voir Larivée, 1994).

Pour des exemples d'inconduites avérées et sanctionnées par les National Institutes of Health, le plus important organisme de financement de la recherche aux États-Unis, tapez dans Google la requête suivante :

     misconduct site:grants.nih.gov

Mais il vaut mieux croire qu'en général, les scientifiques sont honnêtes et consciencieux. Si une bonne partie des résultats publiés étaient invalides, et si la majorité des décisions étaient dominées par les conflits d'intérêts, la science ne pourrait tout simplement pas fonctionner. Et pourtant, elle fonctionne... comme aurait dit Galilée!

  

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