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1.
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Introduction
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La probité
scientifique désigne l'attitude qui
consiste à respecter
l'éthique scientifique,
c'est-à-dire les valeurs, usages,
obligations et règles, tacites ou
formelles, reconnus par la
communauté scientifique ou par la
société plus large comme
devant régir le travail et les
comportement individuels des
scientifiques.
Un comportement ou un geste
qui va à l'encontre de
l'éthique est qualifié
d'inconduite scientifique.
L'inconduite a non
seulement pour conséquence de nuire
au fonctionnement général de
la communauté scientifique, mais
elle peut dans certains cas brimer les
droits fondamentaux d'individus, leur
causant parfois des torts
irréparables.
Selon la nature et la
gravité des gestes posés, on
distingue diverses catégories
d'inconduite scientifique : la
négligence,
le non-respect
des droits individuels, le conflit
d'intérêts et la
fraude
scientifique.
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2.
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La négligence
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La notion de
négligence recouvre une
série de comportements qui,
même s'il sont
généralement
effectués moins par malveillance
que par insouciance, peuvent nuire aux
autres membres de la communauté
scientifique, en leur faisant perdre un
temps précieux à tenter de
répéter en vain des
expériences inutiles, ou encore en
les entraînant dans des pistes de
recherche sans avenir.
Cette négligence
peut prendre différentes formes;
voici quelques exemples.
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Un manque d'esprit critique
face à ses propres
résultats, que l'on tient pour
valables sans contrevérification
sérieuse.
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Le laxisme dans la gestion
des données, soit à
l'étape de la prise de
données, dont on ne contrôle
pas suffisamment les conditions, soit
à celle de la conservation des
données, où l'on ne s'assure
pas du maintien de leur
intégrité.
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Le manque de rigueur dans
le choix des méthodes ou des outils
d'analyse, ou encore dans
l'interprétation des
résultats qu'ils fournissent.
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La non-divulgation, dans
les documents qui rendent compte des
travaux de recherche, d'informations
utiles, voire essentielles au
succès d'une
expérimentation.
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3.
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Le non-respect des droits
individuels
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On parle ici de
comportements qui sont de nature à
brimer les droits d'autres personnes
à l'intégrité ou
à l'équité, ou encore
à nuire à leurs
intérêts professionnels ou
financiers. Voici quelques exemples.
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La non-mention, tant
oralement que dans des ouvrages
publiés, de ses sources
d'inspiration ou de la contribution de
collaborateurs.
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La section
Remerciements des articles et la
dernière page des diaporamas sont
des endroits privilégiés
pour mentionner les collaborateurs dont la
contribution ne confère pas le
statut de coauteur.
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L'omission, ou son
contraire, l'attribution
injustifiée de crédit,
notamment par les pratiques de
cosignature.
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Des organisations
disciplinaires, telles l'American
Psychological Association (APA,
2010b) et l'International Committee of
Medical Journal Editors (ICMJE,
2010), de même que la plupart
des politiques de propriété
intellectuelle ou
d'intégrité en recherche des
universités, proposent des
critères en matière de
cosignature (voir Couture,
Dubé et Malissard, 2010, chap. 9).
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Souvent en lien avec les
pratiques de cosignature, l'accaparement
injustifié et (ou) l'exclusion de
la propriété intellectuelle
et des retombées financières
qui en découlent.
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Le non-respect de la
confidentialité, en rapport avec
des informations obtenues par sa
participation à des processus qui
exigent cette
confidentialité :
évaluation de travaux, de demandes
de financement, etc.
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Le non-respect des
règles s'appliquant à la
recherche avec des humains (voir le
texte E2),
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La violation du droit
d'auteur (voir le texte D2),
qui est un geste illégal.
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4.
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Le conflit
d'intérêts
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Le conflit
d'intérêts existe quand une
personne à qui l'on a confié
un rôle dans une décision, en
s'attendant à ce que celle-ci soit
prise dans l'intérêt
collectif, a des intérêts
personnels susceptibles de l'amener
à poser des jugements allant
à l'encontre de
l'intérêt collectif. Il
survient aussi quand cette personne tente
de profiter de ce rôle pour
bénéficier de gains ou
d'avantages personnels.
Le conflit
d'intérêts n'est pas une
inconduite en soi; il le devient lorsque
la personne donne effectivement
priorité à ses
intérêts.
Il revient d'abord à
la personne elle-même
d'évaluer si elle a des
intérêts conflictuels et,
dans l'affirmative, si elle peut en
minimiser l'influence suffisamment pour
pouvoir exercer son rôle de
manière honnête et
équitable. Quoi qu'il en soit, elle
doit divulguer ses intérêts
conflictuels aux autres participants
et(ou) à ceux qui l'ont
nommé. Négliger de.le faire
constitue également une inconduite.
Pour une décision
prise en groupe, le groupe devra aussi se
demander s'il est à l'aise avec la
présence de la personne qui
divulgue ainsi ses intérêts
conflictuels.
Comme il est très
difficile, voire impossible de
démontrer que quelqu'un aurait
effectivement faussé le processus
de décision en faisant primer ses
intérêts personnels, il est
essentiel de ne pas donner prise à
de tels soupçons pour des
décisions lourdes de
conséquences, par exemple quand la
carrière de quelqu'un peut
être affectée, ou que
d'importantes sommes sont en jeu. Dans ces
situations, il peut être sage que la
personne se retire du processus de
décision, ou que le groupe lui
demande de le faire, peu importe la
conviction que l'on a de sa
capacité à exercer son
rôle de manière
équitable.
Voici quelques situations
où peuvent surgir des conflits
d'intérêts.
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Dans un processus de
décision relative à un
individu, à son travail ou à
ses études, on pourrait se laisser
influencer par le souci de maintenir de
bonnes relations (avec cet individu, ou
avec les collègues), par des liens
affectifs ou familiaux, ou encore dans
l'espoir d'en tirer un avantage personnel
(financier ou professionnel).
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Dans un processus de
décision ayant des incidences
importantes, financières ou autres,
sur l'organisation, on pourrait favoriser
les options qui nous avantagent sur le
plan financier ou professionnel.
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Dans l'organisation de son
travail, on pourrait choisir ses
priorités en fonction de ses
propres objectifs plutôt que des
objectifs que l'organisation qui nous
emploie nous a confiés ou s'attend
de nous voir respecter.
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À la suite d'une
participation à un processus
d'évaluation (demande de
financement, de bourse, etc.), on pourrait
utiliser à ses fins personnelles
l'information obtenue, par exemple une
hypothèse ou une idée de
projet, au lieu de contacter la ou les
personnes qui ont rédigé la
demande pour leur proposer une
collaboration.
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Dans l'analyse et
l'interprétation de
résultats de recherche, on pourrait
retenir des critères ou favoriser
des conclusions qui satisfont les demandes
ou les attentes soit des commanditaires
qui l'ont soutenue, financièrement
ou autrement, soit d'organisations ou
mouvements dont on est membre où
que l'on appuie.
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5.
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La fraude scientifique
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La fraude est la
catégorie la plus grave
d'inconduite scientifique. Elle fait
intervenir des gestes ou des comportements
carrément malhonnêtes, voire
illégaux. Des exemples.
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Le
« tripatouillage » de
données, incluant la troncation, la
falsification et la fabrication de
données, pour améliorer les
résultats d'une recherche.
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Le plagiat,
c'est-à-dire la reproduction
intégrale d'une uvre d'un
autre, ou d'extraits d'une uvre,
sans les présenter comme des
citations avec, comme il se doit,
guillemets et mention complète de
la source.
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L'autoplagiat,
c'est-à-dire la présentation
du même texte ou de textes
quasi-identiques en plusieurs lieux (par
exemple dans des revues
différentes) avec des titres
pouvant être différents, sans
que les diverses versions fassent
référence les unes aux
autres.
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Ces gestes visent
essentiellement à augmenter son
nombre de publications, qui constitue un
critère important, bien que parfois
contesté, de
notoriété dans le monde
scientifique.
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6.
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La prévention et la
sanction de l'inconduite scientifique
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Les organisations à
caractère scientifique, notamment
les universités et les centres de
recherche, ont adopté des mesures
visant à prévenir
l'inconduite scientifique, à faire
la lumière sur les soupçons
ou allégations d'inconduite et
à sanctionner les personnes qui
s'en rendent coupables. On retrouve en
général ces mesures dans les
politiques institutionnelles en
matière d'intégrité
(voir, par exemple, celle de la Télé-université,
2007b).
Ces politiques, qui doivent
être largement diffusées
auprès des membres de
l'établissement :
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indiquent clairement les
gestes et les comportements qui sont
jugés inacceptables;
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précisent les
rôles et les responsabilités
de chacun en matière
d'éthique;
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décrivent en
détails les procédures
à suivre lorsque l'on constate ou
soupçonne la présence d'une
inconduite.
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On y insiste en particulier
sur l'importance de la divulgation,
c'est-à-dire la communication aux
responsables de l'établissement des
informations concernant les situations
où des questions d'éthique
pourraient être en cause.
Ces procédures
doivent impérativement
protéger les personnes contre qui
pèsent des soupçons
d'inconduite, car même des
accusations non fondées peuvent
ruiner des réputations, voire des
carrières. Elles doivent
également protéger les
personnes qui portent à l'attention
des autorités des situations
d'inconduite contre de possibles
représailles; là aussi, des
carrières ont été
mises en péril, même quand
les allégations se
révélaient fondées.
En terminant,
précisons qu'il est très
difficile d'évaluer la
prévalence de la fraude
scientifique, et encore moins de
l'inconduite scientifique. Tout ce qu'on
sait, c'est qu'un certain nombre de
fraudes massives impliquant des
scientifiques parfois renommés ont
été mises au jour, et que,
selon certaines études, la plupart
des scientifiques auraient
été témoins
d'inconduites dans leur entourage (voir
Larivée,
1994).
Pour des exemples
d'inconduites avérées et
sanctionnées par les National
Institutes of Health, le plus important
organisme de financement de la recherche
aux États-Unis, tapez dans Google
la requête suivante :
misconduct
site:grants.nih.gov
Mais il vaut mieux croire
qu'en général, les
scientifiques sont honnêtes et
consciencieux. Si une bonne partie des
résultats publiés
étaient invalides, et si la
majorité des décisions
étaient dominées par les
conflits d'intérêts, la
science ne pourrait tout simplement pas
fonctionner. Et pourtant, elle
fonctionne... comme aurait dit
Galilée!
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