|
|
D1 - La
propriété intellectuelle :
définitions et principes
La notion de propriété
s'applique généralement aux objets
matériels. Je peux ainsi être
propriétaire d'une voiture ou d'une maison, ce qui me
confère un droit exclusif d'utilisation de cet
objet : en principe, seuls ceux ou celles que
j'autorise à le faire peuvent conduire ma voiture ou
entrer dans ma maison.
En règle générale, un
objet appartient au départ à qui l'a
fabriqué de sa propre initiative, ou encore a
mandaté ou payé quelqu'un pour le faire. Cette
propriété peut cependant être
transférée à une autre personne, le
plus souvent en échange d'un montant d'argent
convenu. On peut aussi exiger paiement pour permettre
à quelqu'un d'utiliser ce qui nous appartient. Ainsi,
on peut tout aussi bien vendre que louer une voiture ou une
maison.
La notion de propriété peut
être étendue à des
« objets » moins tangibles, soit ceux
qui résultent de nos activités
intellectuelles, d'où justement l'expression
« propriété
intellectuelle » (PI). Soulignons qu'une
production résultant de ces activités, par
exemple un texte, une invention, une uvre d'art, ne
peut être couverte, ou protégée par la
PI que si certaines conditions sont respectées. Ces
conditions varient selon le type de de production; par
exemple, une uvre doit être
« originale », une invention ne doit pas
être « évidente » (voir le
texte D2,
sur le droit d'auteur et le texte D3,
sur les brevets, pour plus de détails).
Ainsi, la PI ne protège pas les faits,
les données brutes ou les formules
mathématiques. Elle peut toutefois s'appliquer aux
moyens grâce auxquels ceux-ci sont conservés,
organisés ou communiqués, dans la mesure
où ces moyens font intervenir des productions
couvertes par la PI. Par exemple, une base de données
d'adresses, en vertu de sa structure et des outils qui
permettent de l'exploiter, peut être
protégée par la PI, mais pas les adresses
elles-mêmes, ni une liste d'adresses en ordre
alphabétique, comme dans un annuaire
téléphonique.
Les principales productions auxquelles
s'applique la PI sont :
|
-
|
les uvres (littéraires,
artistiques, dramatiques, cinématographiques et
musicales), ce qui inclut les programmes informatiques;
|
-
|
les inventions.
|
La PI s'applique aussi aux marques de
commerce, aux dessins industriels (la forme
caractéristique d'un produit), aux obtentions
végétales (espèces
végétales créées par croisement
ou autres techniques) et aux topographies de circuits
intégrés.
Tout comme pour la propriété
« ordinaire », seul le
propriétaire, appelé « titulaire de
la PI » a, sauf exception, le droit d'utiliser
l'objet en question. Par « utiliser »,
on entend une série d'actes précisés
dans les lois, dont notamment :
|
-
|
pour une uvre, la copier, en
distribuer des copies, la communiquer au public par
télécommunication (ce qui comprend Internet),
l'adapter (ce qui comprend la traduire);
|
-
|
pour une invention, la fabriquer, la
construire, l'exploiter, la vendre.
|
Le titulaire de la PI peut aussi
autoriser une ou d'autres personnes à accomplir ces
actes; il peut également transférer sa
titularité à autrui, avec ou sans contrepartie
monétaire. Dans le langage de la PI, on parlera
respectivement de licence d'utilisation (exclusive ou
non exclusive) et de cession de la PI.
La PI est régie par des lois
nationales ainsi que par des conventions et traités
internationaux. Les lois nationales diffèrent d'un
pays à l'autre, parfois de manière
significative, mais ces différences tendent de plus
en plus à s'amenuiser sous l'effet des conventions et
traités internationaux, dont les principaux
sont : pour les uvres, la Convention
internationale sur le droit d'auteur; pour les inventions,
le Traité de coopération en matière de
brevets. La révision et l'application de ces lois,
conventions et traités relève d'organismes
nationaux ou transnationaux comme l'Office de la
propriété intellectuelle du Canada et
l'Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle.
Les lois régissant la PI ont
été conçues en principe dans un souci
d'équilibre entre les intérêts des
créateurs (auteurs, inventeurs) et ceux de la
société en général, les
intérêts de la société
étant associés à la notion de
progrès (scientifique, technique, intellectuel).
D'une part, les créateurs
désirent conserver une mainmise sur leurs productions
et participer aux éventuelles retombées de
leur exploitation; ils souhaitent aussi être
protégés contre les utilisations
inappropriées de leurs productions. D'autre part, le
progrès de la société, du moins selon
une certaine vision des choses, dépend à la
fois de la motivation des créateurs à produire
et de la capacité que d'autres puissent utiliser ces
productions comme source d'inspiration et fondement pour de
nouvelles productions.
Cela se traduit entre autres par les
caractéristiques suivantes de la PI.
|
-
|
La PI ne couvre pas les faits ou les
idées, mais seulement la manière dont ceux-ci
sont exprimés ou incarnés (ce qui, on s'en
doute, laisse place à interprétation).
|
-
|
La PI ne couvre pas certaines
catégories de productions, différentes selon
les pays. Par exemple, aux États-Unis (mais pas au
Canada), les textes rédigés par les
employés de l'État ne font l'objet d'aucune
PI; ils sont dits « du domaine public ».
De même, le contenu des bases de données peut
être protégé par la PI en Europe, mais
pas aux États-Unis et au Canada.
|
-
|
Des exceptions, inscrites dans les lois ou
offertes sur une base volontaire par les titulaires de la
PI, permettent certaines utilisations qui, normalement,
constitueraient des infractions; mentionnons l'exception
d'utilisation équitable, en droit d'auteur, et les
accommodements, à l'intention des pays moins développés,
touchant les brevets sur certains médicaments.
|
-
|
La protection conférée par la
PI n'est pas éternelle : une production n'est
plus couverte par la PI après un certain nombre
d'années, variable selon le type de production et le
pays; on dit alors que cette production « tombe
dans le domaine public ».
|
On comprendra facilement que cet
équilibre délicat entre les
intérêts des créateurs (ou, plus
précisément, des titulaires de la PI) et ceux
de la société sera l'objet d'enjeux, voire de
luttes politiques et idéologiques, surtout si l'on
considère le fait qu'en règle
générale, ce ne sont pas les créateurs
qui exploitent eux-mêmes leurs créations, mais
des entreprises privées en quête de profit.
On n'a qu'à penser aux débats
touchant le téléchargement illégal de
musique ou de films, ou encore ceux qui ont entouré
le projet de modernisation de la Loi canadienne sur le droit
d'auteur, lancé au milieu des années 2000 et
arrivé à sa conclusion en 2012, avec
l'adoption du projet de loi C-11 (voir à ce sujet
Geist,
2010).
Le monde de la recherche n'échappe pas
à ce débat, que ce soit à propos des
contraintes liées aux contrats de recherche
universitaire octroyés par l'industrie, qui
comportent toujours des clauses définissant les
droits et prérogatives des parties (chercheurs,
universités, entreprise) en matière de PI, ou
encore de la publication des résultats de recherche,
actuellement contrôlée en majeure partie par
quelques grandes maisons d'édition.
Ces enjeux, entre autres, sont
encadrés par des politiques institutionnelles en
matière de propriété intellectuelle; il
vous est d'ailleurs suggéré de consulter celle
de la Télé-université
(2007). Pour un tour d'horizon plus large des enjeux en
matière de propriété intellectuelle
dans le monde universitaire, voir Couture,
Dubé et Malissard (2010).
|
|
|