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A10 - Les publications scientifiques en accès libre

Sommaire

1.

Qu'est-ce que l'accès libre?

2.

Les deux voies vers l'accès libre

    

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1.

Qu'est-ce que l'accès libre?

C'est une chose de trouver les documents pertinents et crédibles dont on a besoin, mais tout ce travail n'a un sens que si l'on peut effectivement obtenir les documents que l'on a repérés. Si un simple ordinateur muni d'un accès Internet permet obtenir sans autres frais une partie de ces documents, cela ne suffit pas pour plusieurs d'entre eux, surtout ceux qui font partie d'une des catégories les plus crédibles : les articles scientifiques.

Il est vrai que les chercheurs universitaires, incluant les étudiants (mais parfois seulement aux cycles supérieurs), ont accès gratuitement, via la bibliothèque ou en ligne, à un grand nombre de périodiques. Mais même les bibliothèques des universités les plus riches n'ont pas les moyens de s'abonner à toutes les revues, d'autant plus que les prix des abonnements ont crû plus vite que les budgets (et même que l'inflation) au cours des dernières décennies. Pour les universités moins bien nanties, notamment dans les pays en développement, et pour les individus qui ne détiennent pas le statut requis, la situation peut être tout simplement catastrophique.

C'est ce constat qui a été à l'origine d'un des phénomènes marquants de la fin de la décennie 2000 : l'essor du mouvement pour l'accès libre aux publications scientifiques. Mais que recouvre exactement ce concept?

Divers points de vue coexistent sur la question. Selon certains, comme Stevan Harnad, un des précurseurs de ce mouvement (voir Poynder, 2004), accès libre signifie simplement accès gratuit, immédiat et permanent au texte intégral des publications. Selon d'autres, pour être qualifié de libre, l'accès doit être accompagné du droit pour les utilisateurs d'effectuer, sans avoir à demander d'autorisation, toutes les actions dites réservées en vertu du droit d'auteur, telles la distribution de copies, la diffusion en ligne, la modification (adaptation, résumé, traduction, etc.). C'est une voie intermédiaire entre ces deux extrêmes qu'ont empruntée, par exemple, les responsables de l'initiative de Budapest (soros.org/openaccess).

Par « accès libre » à cette littérature, nous entendons sa mise à disposition gratuite sur l'Internet public, permettant à tout un chacun de lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces articles, les disséquer pour les indexer, s'en servir [comme] données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l'accès et l'utilisation d'Internet. La seule contrainte sur la reproduction et la distribution, et le seul rôle du copyright dans ce domaine devrait être de garantir aux auteurs un contrôle sur l'intégrité de leurs travaux et le droit à être correctement reconnus et cités.

Les promoteurs des licences utilisateur Creative Commons (CC; creativecommons.org), de plus en plus utilisées (entre autres pour les documents de ce cours), ont également adopté une position intermédiaire.

Ces licences consistent en une indication graphique et textuelle qui précise le choix de l'auteur parmi six licences correspondant à diverses possibilités ou combinaisons de possibilités quant aux conditions d'utilisation du document par le public; un hyperlien donne accès à une description détaillée de ces conditions.

Toutes les licences permettent à quiconque de diffuser le document en ligne et d'en distribuer des copies. La plus libérale, notée simplement CC (ou CC-BY), comporte comme unique condition l'obligation de mentionner l'auteur. La plus restrictive, notée BY-NC-ND, interdit toute modification de l'oeuvre et tout usage à des fins commerciales, ce qui est un peu plus restrictif que ce que prévoit l'initiative de Budapest citée plus haut.

Soulignons que ce mouvement touche peu les livres, qui continuent de relever massivement de l'édition commerciale. On retrouve cependant, un certain nombre d'initiatives, regroupées sous les appellations « open textbooks » (pour les manuels) et « open monographs » (pour les ouvrages spécialisés), qui visent les mêmes objectifs mais qui en sont encore à leur balbutiements. Du côté des mémoires et des thèses, c'est plutôt le contraire : le mouvement pour leur mise en ligne en accès libre est bien enclenché.

Pour un vue d'ensemble de la (courte) histoire du mouvement pour l'accès libre, on consultera l'excellente chronologie préparée par Peter Suber (n.d.).

    

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2.

Les deux voies vers l'accès libre

Deux voies parallèles et complémentaires susceptibles de mener à l'accès libre généralisé ont été proposées.

a)

La voie verte, prônée par Stevan Harnad, de l'autoarchivage des manuscrits (idéalement la version postpublication; voir texte A1) dans des archives institutionnelles ou centralisées.


Une majorité de maisons d'édition (dont les plus importantes), publiant une majorité encore plus grande du total des articles scientifiques, autorisent l'autoarchivage des manuscrits, le plus souvent dans leur version postpublication. Certaines imposent un délai, appelé « période d'embargo », d'une durée de six mois à un an en général.


Ces conditions sont en général (mais pas toujours, surtout pour les petites revues) précisées dans le site de la revue et(ou) dans le contrat de publication que doivent signer les auteurs. Cependant, la formulation de ces conditions est souvent complexe, et parfois confuse, voire incohérente. Heureusement, deux sites ont été mis sur pied pour colliger et mettre un peu d'ordre dans dans ce domaine : SHERPA/RoMEO, qui inclut un très grand nombre de revues (surtout anglo-saxones) et Héloïse, pour les revues françaises, plusieurs de celles-ci figurant aussi dans SHERPA/RoMEO.


Cette voie n'ayant pas atteint son potentiel au bout de 20 ans, en dépit de sa simplicité (Harnad parle des « quelques touches de clavier » qui nous séparent de son avènement) et des efforts acharnés de ses promoteurs, les efforts se portent maintenant sur l'adoption d'obligations de dépôt des manuscrits par les chercheurs.


Ainsi, un certain nombre d'universités et exigent maintenant que les chercheurs qu'ils emploient ou qu'ils financement déposent leurs manuscrits finaux (postpublications) dans des archives. Là où de telles obligations ont été mises en place, de taux de dépôt atteignant 85 % ou plus ont été rapidement obtenus, au lieu du maximum de 15 ou 20 % atteint au moyen de simples campagnes de sensibilisation.


Cette modalité a été adoptée par de grandes universités américaines (Harvard, MIT), quelques universités australiennes (Victoria, Queensland University of Technology) et européennes (Liège, Genève, Bergen), de même que par de grands organismes de financement (dans le domaine biomédical surtout) : au Royaume-Uni, tous les organismes nationaux; aux États-Unis, les National Institutes of Health (NIH), imités par la suite par les ministères du gouvernement américain; au Canada, les trois grands conseils subventionnaires fédéraux (CRSNG, CRSH et IRSC), ainsi que le Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ).
  

b)

La voie dorée, soit celle des revues en accès libre.


Cette voie s'est développée surtout à partir du milieu des années 2000. À la fin de 2011, le Directory of Open Access Journals (DOAJ) recensait plus de 7 000 revues en accès libre (avec évaluation par les pairs), ce nombre augmentant au rythme de plus de 1 000 par année. On y retrouve des revues de tous pays, tous domaines et de tout calibre. Il est vrai que ce n'est là qu'une partie des 25 000 revues savantes ou scientifiques avec comité de lecture que compterait la planète, et que les revues les plus prestigieuses sont rarement en accès libre. Cependant, on compte dans chaque domaine au moins une revue prestigieuse, parfois même la mieux cotée.


Il faut aussi préciser que certaines maisons d'édition peu scrupuleuses semblent avoir voulu profiter de l'engouement pour ce mode de diffusion, en proposant de nouvelles revues où les auteurs doivent défrayer les coûts de publication et où le processus d'évaluation par les pairs, malgré ce qu'ils en disent, ne semble pas très rigoureux, si tant est qu'il existe (Beall, 2011). Le phénomène semble cependant limité à quelques cas, regrettables cependant.
  

Mentionnons également les revues hybrides, dont l'accès aux articles est normalement payant (à la pièce ou sur abonnement) mais qui offrent aux auteurs qui acceptent d'en défrayer les coûts, assez importants faut-il préciser (quelques milliers de dollars), la possibilité de rendre leur article disponible gratuitement. Quelques maisons d'édition, parmi les plus importantes, offrent cette option pour l'ensemble de leurs revues.

Actuellement, il est difficile de prévoir quelle sera l'issue de cette évolution. Les obligations de déposer les manuscrits vont-elles se généraliser? Les nombreuses revues en accès libre mises en place ces dernières années vont-elles survivre? Vont-elles acquérir leurs lettres de noblesse? Les revues traditionnelles (payantes) réussiront-elles à s'adapter à la nouvelle donne? À terme, devront-elles se convertir à la « voie dorée » et réduire leur rôle à celui de gestionnaire de l'évaluation par les pairs? Chose certaine, l'accès libre semble de plus en plus inéluctable.

En terminant, soulignons que le moteur de recherche Google Scholar met en évidence l'existence de versions en accès libre dans ses résultats de recherche, au moyen d'un hyperlien placé à la marge de droite de la notice de chaque document pour lequel au moins une version en accès libre est disponible.

    

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